31 SOC Tourisme- Pratiques touristiques – 1995

 

Cette synthèse de documents est le corrigé d’un sujet donné à une classe de BTS. L’idéal serait de donner les textes initiaux et le tableau à double entrée qui permet d’aboutir à la synthèse. Mais le mieux étant l’ennemi du bien, il me semble que l’essentiel du dossier est préservé dans ses aspects contradictoires. Sur la méthode elle-même voir sur le site RET synthèse 1994 méthode bts. Pour d’autres exemples voir NAT vin 1996 ivresse sacralisée et 09 FRA identités 1996 portrait du Français.

    Sur le sujet lui-même : “Le tourisme est l’industrie qui consiste à transporter des gens qui seraient mieux chez eux, dans des endroits qui seraient mieux sans eux.” (Citation de Jean Mistler). Songer aussi à la fable de La Fontaine “Les deux pigeons”. Le tourisme de masse est peut-être déjà condamné par les nuisances qu’il entraîne.

 

Code : 0 = introduction(s) et 9 = conclusion(s)

 

  1. Introduction. Cinq textes évoquent les pratiques touristiques. Le document 1 expose la politique du patrimoine telle que la voyait la direction des Monuments historiques en 1982. Le document 4 le complète car il donne des chiffres sur la pratiques du patrimoine et provient du bulletin de l’Association Générale des Conservateurs (1985). Le document 2 décrit une flânerie de Stendhal. Le document 3 est une préface de J.P. Sartre au guide Nagel sur la Norvège (1955). Enfin le document 5 est une réflexion critique de Roland Barthes sur le Guide Bleu “Espagne”. Il est extrait des “Mythologiques”. Trois thèmes peuvent être dégagés de l’ensemble de ces textes : les erreurs à éviter, un tourisme ouvert et enfin les fondements de ce tourisme.

 

1.0 Relevons d’abord les erreurs à éviter.

1.1 La première est de côtoyer sans comprendre. Il faut savoir dégager l’intérêt historique d’un monument, la dialectique qu’il entretient avec notre époque souligne la direction des Monuments historiques. Sartre de son côté dénonce l’indifférence des voyageurs qui croient que les gens du pays visité font semblant de vivre. Il est rejoint par Roland Barthes qui déplore l’ignorance des hommes imputable au Guide Bleu dont il fait la critique.

1.2   La second serait de ne s’attacher qu’au décor. Les Monuments historiques refusent l’obscurité, l’inaccessible et l’ennui d’une telle démarche. Stendhal parle ouvertement de l’ennui des monuments de Londres, des musées et des églises. Sartre et Barthes dénoncent la même attitude. Mais il n’empêche que les Conservateurs relèvent une forte fréquentation des musées (39 %), des châteaux (38 %) et encore plus des églises (54 %).

1.3 Il faudrait éviter un certain aveuglement et les stéréotypes. Sartre et Barthes sont d’accord pour dénoncer les guides qui orientent systématiquement le voyageur vers les monuments, entretenant ainsi les stéréotypes d’une mythologie dépassée. Il est probable que Stendhal aurait été d’accord avec eux !

1.9 Il faut donc éviter de visiter les monuments sans s’interroger sur ce qu’ils signifient pour le pays qu’on visite et donc ne pas se fier aux guides même si beaucoup de touristes leur font confiance.

 

2.0 Il faut savoir pratiquer un tourisme ouvert.

2.1 Celui-ci s’intéresse en priorité aux personnes et au peuple. Sartre vante ainsi la spécificité humaine de chaque quartier de Paris. Dans ses flâneries Stendhal observe la finesse du profil grec chez certains Marseillais, la beauté fine et dessinée des Marseillaises. Barthes veut que les guides traduisent la réalité des hommes. Les Monuments historiques participent indirectement du même mouvement en demandant de rendre le patrimoine au peuple.

2.2 Il faut s’intéresser à la société en général. Et c’est la rue qui renseigne le mieux sur la société note Stendhal. Sartre reprend une idée de Camus : pour connaître une ville il faut savoir “comment on y travaille, on y aime, on y meurt”. C’est alors, semble conclure Barthes, que le voyage devient une approche humaine, une approche des mœurs.

2.3 L’activité est le thème fondamental de ce tourisme. Stendhal s’intéresse aux joueurs de boules et aux blanchisseuses. Sartre veut que l’on regarde les usines et l’activité économique. Ceci est d’ailleurs assez bien compris d’une partie des touristes : 21 % d’entre eux visitent des installations industrielles.

2.4 La créativité, l’exercice de l’imagination pourrait être un thème moteur. Du moins c’est ce que pensent les Monuments historiques qui incitent le visiteur à être créatif, à être soi. Mais sortir des chemins battus n’est pas facile : les expositions d’art moderne sont fréquentées par 20 % des touristes.

2.9 Ainsi le tourisme ouvert s’oriente vers l’activité économique, le travail des hommes et des femmes. Ceci suppose une réelle ouverture d’esprit.

 

 

3.0 Quels sont les fondements de ce tourisme nouveau ?

3.1 Ceci suppose du temps libre. Les Monuments historiques proposent la décentralisation et insistent sur les loisirs. Loisirs employés par Stendhal dans le plaisir de flâner, ce qui permet de repérer cent petits détails singuliers. Barthes et Sartre n’évoquent pas cet aspect du problème.

3.2 Ceci suppose également le mouvement d’ ”aller-vers”. Cette démarche est préconisée par les Monuments historiques. C’est une démarche active, qui repère des étapes. On la voit à l’œuvre chez Stendhal quand il imagine la Marseille antique pendant une heure. A l’œuvre également chez ces touristes qui fréquentent les antiquaires (48 %), les fêtes (46 %) et les vieux quartiers (62 %). Sartre est d’accord avec ce mouvement quand il pose deux questions : d’où viennent les habitants ? d’où vient la beauté ? Et ce que Barthes reproche au Guide Bleu Espagne c’est de ne pas savoir retrouver l’Espagne musulmane sous l’Espagne chrétienne.

3.3 Il y a là un message, une recherche d’identité et de paternité. Ce que ne sait pas faire le Guide Bleu selon Barthes : il refuse l’explication, ne répond pas aux questions. Les Monuments historiques posent fermement ce problème : le patrimoine envoie les messages génétiques de notre civilisation. Il relève du droit de l’homme à recouvrer son identité, à effectuer une recherche en paternité, culturelle et même biologique.

3.4 C’est une question de culture et même de démocratie. C’est ainsi du moins que la voient les Monuments historiques. Barthes n’en est pas très loin quand il évoque les interrogations que suscite l’étude de la géographie humaine.

3.9 On voit donc le mouvement général : les loisirs permettent la flânerie, la réflexion, la recherche d’une identité à la fois culturelle, génétique, démocratique même.

 

  1. Conclusion. Le tourisme moderne refuse la visite passive des monuments. Il s’agit de découvrir un peuple et à travers lui de se découvrir soi-même.

Ce qui me frappe dans ce dossier c’est la modernité de Stendhal. Dès le début du XIX°s il définit les conditions d’un tourisme festif et quasi convivial. Les musées ou les églises ne sont plus l’essentiel. Il faut au contraire savoir flâner, savoir comprendre. Les guides, comme celui du Routard, commencent à le proposer à leurs lecteurs. Mais ceci exige, à mon avis, de ne pas être pris par le temps, de ne pas vouloir tout voir et de pouvoir communiquer avec les gens que l’on rencontre.

 

 

Correction sgdg d’une synthèse de documents donné aux TS2MAI en novembre 1995

 

Roger et Alii – Retorica – 1 170 mots – 7 300 caractères – 2017-07-12

 

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