29 SCI fœtus personne 2016 03

L’UTILISATION MEDICALE DES FŒTUS :

SONT-ILS DES ETRES HUMAINS ?

Correction de la synthèse BTS 1992

Code : 0 = introduction(s) et 9 = conclusions

0. Introduction. En février 1983 la polémique semble vive sur l’utilisation médicale des fœtus. Dans le même numéro daté des 20- 21 février, « Le Monde » publie trois articles de médecins qui vont tous dans le même sens et répondent manifestement à des prises de position absentes du dossier mais qu’il il est facile de reconstituer. Les textes proposés sont dûs respectivement au professeur Jean-Louis Touraine (doc 1), Marie- Claire Busnel (doc 2) et au professeur Alexandre Minkowski (doc 3). Tous trois sont des médecins et des chercheurs quelquefois engagés très directement dans ces recherches. Nous étudierons l’emploi des tissus fœtaux puis ce que recouvre le respect dû au fœtus. Ceci nous permettra de répondre à la question : les fœtus sont-ils des êtres humains ?

1.0. Tout d’abord que peut-on faire des tissus fœtaux ?

1.1. Pour le professeur Touraine ces tissus fœtaux autorisent des greffes qui sauveront des enfants autrefois condamnés. De son côté‚ le professeur Minkowski note que les applications thérapeutiques de ces tissus sont intéressantes et utiles. J.L Touraine poursuit en citant comme applications les greffes de foie fœtal et les greffes de moelle osseuse. A. Minkowski remarque que les neurotransmetteurs sont observables uniquement dans le tronc cérébral.

1.2 Le professeur Touraine expose le résultat de ses propres recherches. Les cellules de foie fœtal greffées restituent une immunité perdue ; elles sont encore rares : il en relève 25 en 8 ans avec un taux de réussite de 50 % ; ces greffes s’imposeront de plus en plus dans le cas de déficits enzymatiques congénitaux. Ces greffes de cellules de foie et de moelle osseuse représentent la vie pour des milliers de malades à sauver.

1.3 Ces pratiques, écrit le professeur Touraine, sont conformes à la philosophie moderne des êtres vivants mais elles exigent l’emploi de tissus organiques frais. D’où la nécessité d’une loi sur l’exploitation des tissus fœtaux qui évitera à de jeunes malades des attentes de plusieurs mois. Le professeur Minkowski partage cette préoccupation et déplore que, pour le projet de loi, le ministère de la Sant‚ ne consulte pas l’unité « Biologie du fœtus » qu’il dirige à l’INSERM. Les adversaires de ces pratiques veulent l’accord de la mère. A. Minkowski ajoute pourquoi pas celle du père aussi ? Et il évoque, car il le vit dans son service, le « traumatisme émotionnel » d’un tel accord demande aux familles. Il demande aux juristes d’y songer, probablement pour en dispenser les parents puisque les spécialistes doivent opérer rapidement sur des tissus frais.

1.9 Les perspectives médicales de l’emploi des tissus fœtaux sont donc prometteuses mais elles posent des problèmes humains douloureux.

2.0 Car qui dit « tissus fœtaux » sous-entend tissus prelevés sur des fœtus qui viennent de mourir. Manque de respect? Et à l’égard de qui? le fœtus est-il un être humain ?

2.1 Le professeur Touraine observe que cette situation est devenue possible avec le développement des avortements médicaux et de convenance : faut-il jeter les tissus fœtaux (c’est-à-dire les fœtus qui viennent de mourir ou qui vont mourir) ou les utiliser ? En 17 ans de pratique, le professeur Minkowski a vu passer dans son service 18 000 êtres vivants. Cette expérience lui permet de dire qu’en dessous de 26 semaines et de 700 gr un fœtus n’est pas viable, même s’il est encore vivant. Mais est-ce un être humain ?

2.2 M.C Busnel explique que la vie est un continu dans lequel l’embryon (8 semaines) précède le fœtus. On ne sait rien encore de la sensorialité embryonnaire et si même elle existe ; par contre la sensorialité‚ du fœtus est réelle : kinesthésique d’abord (à 3 mois), auditive ensuite (à 5-6 mois), visuelle enfin (après 6 mois). Comme le professeur Minkowski a constaté que l’électro-encéphalogramme du fœtus « très jeune » est encore totalement inactif, on peut en déduire que le fœtus devient un être vivant quand son élec- troencéphalogramme devient actif, c’est-à-dire entre la 8° et la 13° semaine. Mais, selon M.C Busnel, il est difficile de dire quand le fœtus devient un être perceptif ET conscient puisque sa psychologie reste encore mal connue.

2.3 Ceci éclaire d’un jour nouveau la question du professeur Touraine. Hier on se demandait s’il fallait utiliser les tissus fœtaux, aujourd’hui on se demande s’il faut refuser de les utiliser. Le professeur Minkowski observe que ceci concerne des fœtus non viables mais vivants et qu’il ne faut pas les exposer à la souffrance dès lors qu’on sait qu’ils peuvent souffrir. Pour lui, le fœtus non-viable pèse moins de 700 grammes. Des observations canadiennes prouvent qu’en dessous de cette limite les séquelles cérébrales sont irréversibles. M.C Busnel va dans le même sens : sorti de l’utérus, le fœtus, comme l’embryon, n’est plus viable ; le problème du respect se pose avant mais plus après. Même attitude chez le professeur Touraine : il faut respecter le fœtus non-viable comme un adulte décédé : ceci n’empêche pas d’en prélever les organes, dès lors qu’on lui évite toute souffrance (A. Minkowski).

2.4 Avec un collègue le professeur Touraine a proposé quelques règles au comité d’éthique de l’INSERM pour répondre à des réticences confuses et peu rationnelles. M.C Busnel remarque qu’il n’y aurait de problème que si l’embryon pouvait se développer in vitro, en dehors de l’utérus, ce qui est actuellement totalement exclu. Le professeur Min- koswski s’insurge, par avance, contre une loi qui exigerait que la mort clinique du fœtus soit constatée par deux médecins : lesquels et sur quelles compétences ? Comprendre : les spécialistes de ces pratiques, eux-mêmes médecins, sont le mieux placés pour en juger et agir vite puisqu’il faut des tissus frais. Il s’en prend à l’Eglise qui veut protéger des embryons non-viables alors qu’elle est restée muette devant la mort de millions d’êtres humains, bien constitués eux et qui ne demandaient qu’à vivre. Enfin on veut faire condamner des médecins qui donnent la vie alors qu’on poursuit rarement les médecins maladroits, responsables d’handicaps cérébraux au moment des accouchements. Et de conclure : « Pardonnez-leur car ils ne savent ce qu’ils font. Ni de quoi ils parlent ».

2.9 L’âpreté de la polémique vient de la complexité d’une situation où la notion de fœtus comme être humain est difficile à cerner et où l’on passe insensiblement du viable au non-viable, du laisser-vivre au laisser mourir et au faire mourir.

9. Conclusion a. Si l’on a bien compris les trois textes proposés, les médecins spécialistes de ces problèmes convergent vers les mêmes conclusions que le professeur Minkowski traduit en données chiffrées. Le fœtus, sorti de l’utérus, accède pleinement au statut d’être humain viable à 26 semaines et pour un poids minimum de 700 grammes. En deçà de cette double limite, sorti de l’utérus, c’est un être humain non-viable mais vivant qu’on laisse mourir ou que l’on fait mourir, sans souffrance, afin de prélever les tissus fœtaux indispensables à la survie d’enfants condamnés sans cette intervention. Comme il est indispensable d’agir vite, il est préférable de ne pas demander l’autorisation des parents : ce cas de conscience sans augmenterait inutilement leur douleur.

9 Conclusion b. Si l’on suit bien le dossier on s’en remet donc totalement au pouvoir médical en ce domaine. Mais que faire d’autre puisqu’un contrôle est techniquement impossible. La définition même du fœtus comme être humain dépend de l’électro-encéphalogramme devenu actif après la 8° semaine et qui fait passer l’embryon au stade de fœtus. Cette toute neuve activité cérébrale provient-elle de l’embryon lui- même ou vient-elle mystérieusement de l’extérieur ? Question saugrenue sauf dans un débat sur la réincarnation.

Par ailleurs le dossier laisse un malaise. Au delà de l’argumentation scientifique et peu contestable des trois médecins se posent d’autres problèmes dont Catherine David faisait le tour dans un article paru dans « Le Nouvel Observateur » en 1985. Les « réticences confuses et peu rationnelles » (professeur Touraine) ont conduit le professeur Testart à suspendre ses propres expériences. Or c’est le créateur du premier « bébé-éprouvette » français.

En 1992, soit 9 ans après le débat, on ne sait que faire de 20.000 embryons congelés, résidus de FIVETES (Fécondation In Vitro Et Transfert d’Embryons) : on féconde de 5 à 10 ovules, on en retient 3 et on congèle les embryons en surnombre. Mais qu’en faire ? Les donner à la recherche ? à des couples stériles ? les décongeler pour les faire dépérir ?

Le Comité national d’éthique, après un moratoire de trois ans, s’est décidé, fin 1989, pour les deux premières solutions. Mais la première viole ses propres principes. Car pour le Comité‚ l’embryon est « une personne humaine potentielle » et celle-ci « ne doit jamais être traitée comme moyen mais toujours comme fin ». Or donner un embryon à la recherche, c’est le réduire à un matériau d’étude.

La seconde, la fécondation in vitro, mène à une impasse : 30 000 tentatives en 1991, 12 % de réussite, de 20 à 30 % d’handicapés (1989), 30 et même 50 % de prématurés (1989), un coût de 100.000 fr pour une Fivete réussie, remboursée à 100 % par la Sécurité Sociale. Certains centres de fécondation artificielle (il y en a 130) peuvent être tentés de commercialiser les embryons en surnombre et non réclamés. Ceci ne remet nullement en cause l’emploi des tissus fœtaux car ce problème, fondamentalement différent, paraît bien cerné‚ mais on peut légitimement craindre des dérapages.

Actualisation Roger (2016-03-15) : http://www.questionsenpartage.com/l’embryon-est-il-une-personne

(…) «  Retenons ce qu’a bien dit le Pr René Frydmann : “pour les croyants un embryon c’est presque tout, pour les scientifiques c’est presque rien.” Voilà le problème. Nous ne partageons pas tous la même approche de l’embryon.

« La diversité d’approches se manifeste déjà chez les croyants monothéistes. Le judaïsme, fidèle à la Torah et au Talmud, considère l’embryon à l’image de Dieu, mais cet embryon —”l’homme qui est dans l’homme » dit-on en judaïsme”—, cet embryon est dépourvu de toute valeur jusqu’au 40è jour car ce n’est alors que de l’eau. Vous ne manquerez pas de noter la valeur symbolique proprement juive des 40 jours et de l’eau.

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« Pour les chrétiens tout part de la conviction que la vie est un don de Dieu, les protestants insistant sur le fait que l’embryon doit être considéré comme une personne potentielle, tandis que les orthodoxes tiennent à placer toute décision touchant à la vie sous le signe de la visée eschatologique (i.e. à l’horizon des fins dernières).

« Les penseurs musulmans se réfèrent à un passage du Coran. Dans la sourate 15, 29-30, Allah dit : « Quand J’aurai harmonieusement formé [l’homme], et aurai insufflé en lui mon de mon souffle de vie; tombez [les anges], devant lui prosternés » (trad. R. Blachère). Les musulmans fixent l’animation insufflée après une période d’aménorrhée correspondant à 3 cycles. À partir de là la vie est sacrée. Le fœtus est alors dans un état bien avancé.

« Le bouddhisme n’a pas une position arrêtée sur ces questions que de multiples écoles appréhendent différemment.

« Pour le Magistère catholique, voici un extrait qui traduit fidèlement sa position “l’embryon humain, à quelque stade de son développement, est un être engagé dans un processus continu, coordonné et graduel depuis la constitution du zygote* jusqu’au petit enfant à naître”.

Pour certains scientifiques il n’est pas possible de parler d’embryon à propos des premiers stades de la vie. À 4-5 jours, on a affaire à des cellules indifférenciées, qui n’ont formé aucun tissu, et l’on ne considère pas le blastocyste, comme une forme de début de vie d’un individu. On sait qu’un grand nombre de médecins s’accordent pour considérer l’individuation à partir du 14è jour. » (…)

http://www.bioethique.net/que-faire-des-embryons-congeles/

« En France, 171 000 embryons humains étaient conservés dans les cuves d’azote liquide des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humain (Cecos) français le 31 décembre 2010, selon le rapport annuel de l’Agence de biomédecine. Les embryons conçus en laboratoire par les techniques d’assistance médicale à la procréation (AMP) ne sont pas tous transférés dans l’utérus de la future mère. En général, trois embryons au maximum sont transférés afin de limiter les risques de grossesses multiples. Ceux qui restent et qui sont viables sont congelés en vue d’un transfert ultérieur. Ainsi, un couple faisant appel à la fécondation in vitro (FIV) a une forte probabilité d’avoir des embryons congelés et leur avenir pose des questions difficiles à résoudre. (…) Les couples ayant des embryons conservés reçoivent chaque année du CECOS un courrier leur demandant ce qu’ils souhaitent pour leurs embryons :

  • la poursuite de la conservation (pour une durée de 5 ans maximum),

  • la destruction,

  • le don à la recherche,

  • le don à un couple stérile.

 Sur les forums internet, de nombreuses femmes témoignent de leur grand désarroi : « Chaque année, la lettre du CECOS est un sujet de dispute entre mon mari et moi », témoigne Isabelle, 37 ans. « Nous ne voulons plus d’enfants mais nous ne pouvons pas nous résoudre à les détruire, nous savons que ce n’est pas qu’un amas de cellules, alors que faire ? ». »

(…) « Echoué dans la bonne paillette…

Agnès, une solide fille, employée à Roissy,  jubilait avec ses neuf embryons au frais. « On disait qu’on allait monter  une équipe de foot. On rigolait bien », confie-t-elle. Quatre ans ont  passé, première FIV réussie, Agnès a eu des jumeaux. Une petite fille s’est annoncée par surprise pour juillet. 36 ans, un mari qui ne roule pas sur  l’or, bientôt trois enfants, et la “petite équipe de foot” qui attend toujours au frais… Agnès en est malade mais, pour elle,  »la famille est terminée”. Hier, elle a reçu les  papiers de l’hôpital, ce questionnaire maudit qui plonge chaque année des milliers de couples dans l’embarras : Voulez-vous continuer la  cryoconservation des embryons ? Avez-vous toujours un projet parental ?  Tant que l’on peut cocher la case “oui”, tout va bien, sinon, c’est le trou  noir. Certains savent que, pour eux, l’aventure est finie, mais continuent  de cocher “oui” machinalement. D’autres ne répondent même pas, les  secrétaires médicales téléphonent, envoient des recommandés, rien… Parce qu’ils s’en fichent, parce qu’ils ont depuis longtemps oublié leurs embryons, peut-être aussi parce qu’ils ne savent pas quoi répondre. Cela  devrait être simple : un amas de cellules, dit la science. Oui, mais voilà, le petit qui joue au train électrique dans le salon était lui aussi un embryon. Un sacré veinard celui-là, échoué dans la bonne paillette. Dans celle d’à côté, restent des petits frères et sœurs en puissance… Comment  décemment décider de les jeter ? Mettre à la poubelle ces embryons désirés, et obtenus après tant de galère ? Option impensable pour beaucoup. « C’est comme si je signais l’arrêt de mort de mes enfants », se désole un père. «J’aurais l’impression d’un immense gâchis », dit un autre. » (…)

Extrait du Nouvel Observateur du 15 juin 2006.

Roger et Alii

Retorica

2 490 mots, 15 400 caractères, 2016-03-15

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