« Il se tire une balle dans la tête… et devient plus intelligent ! » (Infos du Monde n°1 23 mars 1994). Cette fausse information délirante est un point de départ intéressant pour les harmoniques du fait divers. Celui-ci relève de l’information (section 14 INFormation) mais, pour Retorica, plus encore du récit (section 25 RECit) Roger
(1) « Infos du Monde ». Ce titre et quelques autres d’ « Infos du Monde » n°1 avait attiré l’attention d’Edgar Morin. Il en parle dans son « Journal (1992 – 2010) » Voici l’article en entier : « Il se tire une balle dans la tête… et devient plus intelligent. Un jeune Canadien de 18 ans, atteint de troubles psychiatriques graves s’est tiré une balle dans la bouche… et son QI a explosé ! C’est le très sérieux quotidien américain « Washington Post qui relate cette incroyable histoire. Le coup de feu, tiré par une 22 long rifle, a servi en fait d’ « opération chirurgicale », guérissant totalement l’adolescent.
« Le docteur H. Thomas Ballantine, neurochirurgien du « Massachussets General Hospital » de Boston (USA) explique : « C’est un cas extraordinaire. Il y avait moins d’une chance sur un million pour qu’une chose pareille se produise. » Terriblement dépressif, le jeune homme avait abandonné ses études et n’était pas en état de travailler. Mal soigné, il n’était même pas sous antidépresseurs et lorsque sa mère lui a dit : « Si ça ne va pas, tire-toi une balle dans la tête », il a tout simplement suivi son conseil.
« La balle est entrée par le palais et lui a traversé le cerveau. Après son opération chirurgicale, il est retourné en psychiatrie. C’est là que les médecins se sont rendu compte que le jeune homme était guéri de ses troubles nerveux.
« Avant, le jeune homme se lavait les mains cinquante fois par jour et prenait des douches fréquentes durant parfois une heure. C’était un véritable malade, dont les troubles psychiatriques semblaient « incurables ».
« Aujourd’hui il est en pleine forme… et doté d’une intelligence exceptionnelle ! »
Roger (2017-08-10) : Je songe à une plaisanterie d’éditeur : « Tout sera faux dans cette biographie, sauf les noms propres ! » Le docteur H. Thomas Ballantine, brillant neurochirurgien, a effectivement vécu : il est mort en 1996. « Infos du monde » était un hebdomadaire d’information parodique français inspiré d’un tabloïd américain. Il a duré de 1994 à 1995 puis de 1997 à 1998 : « (…) Publié le mercredi, le magazine était composé de 16 pages et ne présentait que de fausses informations, souvent loufoques, illustrées par des photo-montages, comme « L’enfant chauve-souris », « La mère à 2 têtes et son bébé à 2 têtes », « Mon fils s’appelle Castorama », « Le fils secret d’Elvis vit à Nice », « Des cannibales se font dévorer par des missionnaires », ou encore « Cette poule pond des œufs durs » (…) » (Wikipedia) « Les fake news (ou fausses nouvelles au Québec) sont des informations délibérément fausses ou truquées (fake veut dire en anglais « faux, truqué ») émanant en général d’un ou de plusieurs médias. Elles participent à des tentatives de désinformation, que ce soit via les médias traditionnels ou via les médias sociaux, avec l’intention d’induire en erreur dans le but d’obtenir un avantage financier ou politique. Les articles de fake news emploient souvent des titres accrocheurs ou des informations entièrement fabriquées en vue d’augmenter le nombre de lecteurs et de partages en ligne. Les fils d’actualité de Facebook ont été impliqués dans la propagation de fausses nouvelles. Le fait que les rédacteurs soient anonymes rend difficile la poursuite des sources pour calomnie. (Wikipédia).
(2) 25 REC fait-divers – harki forcené -1979 –
Roger (2017-08-11) : En 1979 j’avais eu la chance de rencontrer le même fait-divers sur « Libération » et sur « Le Matin » (quotidien aujourd’hui disparu). Le traitement était différent. « Le Matin » s’était contenté des informations de la police. « Libération » avait une enquêtrice sur place : elle avait interrogé le voisinage.
1° version – Le Matin (08.06.1979)
Marseille : un commissaire tué par un forcené. Mohamed Maacui, 51 ans, avait déjà blessé un pompier à coups de 22 long rifle. Atteint d’une balle dans la tête, le commissaire Antoine Biancardini, de la sûreté urbaine de Marseille a succombé à ses blessures quelque temps après son admission à l’hôpital. Il avait tenté, dans la nuit de mercredi à jeudi, de raisonner un infirme d’origine algérienne, armé d’un 22 long rifle, et barricadé au rez-de-chaussée d’un immeuble qu’il menaçait de « faire sauter » après avoir ouvert le gaz. (De notre correspondant à Marseille). Petit, le cheveu très noir, les traits souvent tirés par des nuits de veille, le commissaire Biancardini était un homme de terrain. Dans la nuit de mercredi à jeudi, il est au volant d’une voiture de police banalisée, en train d’effectuer une planque dans un quartier chaud du centre ville, quand sa radio crépite. Il est une heure du matin. Un forcené s’est barricadé dans un appartement au rez-de-chaussée d’un immeuble de la cité Lamartine, dans le XV° arrondissement. Ce n’est pas dans son secteur, mais aussitôt, Miancardni se rend sur les lieux.
Mohamed Maacui, cinquante et un ans, d’origine algérienne, crie qu’il va faire tout sauter. Il a ouvert le gaz… Exactement comme le lundi précédent. Les marins-pompiers qui étaient intervenus, l’avaient conduit à l’hôpital psychiatrique Edouard Toulouse à Marseille, d’où, mercredi, après vingt-quatre heures d’observation, on l’avait laissé partir. Maacui, maçon de profession, avait été victime d’un très grave accident il y a trois ans dont il était sorti paralysé des jambes. Il ne se déplace plus qu’à l’aide d’une chaise roulante.
Armé d’une carabine 22 long rifle, Mohamed Maacui ne peut rien entendre. Un marin-pompier a bien essayé de le raisonner en lui parlant. Il a reçu une décharge en plein ventre, tirée à travers la porte de l’appartement derrière laquelle il se trouvait.
- Biancardini va tenter, à son tour, de s’interposer. Il se place également face à la porte. Des coups de feu éclatent… Le commissaire est atteint sous l’œil d’une balle qui va se loger dans l’occiput. Tranporté à l’hôpital en pleine nuit, il est opéréd’urgence et meurt dans la journée de jeudi sans avoir repris connaissance.
Une demi-heure après cet accident, Mohamed Maacui, reprenant vraisemblablement conscience des faits, se rendait à la police.
François de Muizon
390 mots.
Solitude
Le harki « fou » d’indifférence (Libération 08.06.1979)
Marseille correspondance. Un drame de la folie, comme on dit, s’est déroulé à hier à la cité « Lamartine » dans les quartiers nord de Marseille. Un ancien harki Mohamed Maacui, 51 ans, qui a menacé de faire sauter son immeuble avec une bouteille de gaz a blessé un pompier des services de sécurité et un commissaire dont l’état est désespéré. On parle de démence. Et puis au cours de discussions avec le voisinage on commence à comprendre pourquoi cet invalide à 100 %, qui ne se déplace qu’en fauteuil roulant est devenu fou furieux.
Voilà trois mois que Mohamed Maacui s’est installé au rez-de-chaussée du bâtiment B des HLM « Lamartine ». « Il avait l’air calme et gentil, il ne sortait pratiquement jamais de chez lui » et pour cause, il est paralysé depuis cinq ans des suite d’un accident de chantier. La semaine dernière, il a commencé « à n’être plus tranquille ». Il a mis le feu à sa literie dimanche. Les pompiers l’ont conduit à l’hôpital psychiatrique Edouard Toulouse où il a passé la nuit. Une fois calmé, lundi Mohamed regagne son domicile. Il est 14 h. Le voisin qui l’aide habituellement à franchir les 8 marches du perron est absent. Le paralytique demande alors de l’aide à la cantonade. Personne ne répond. « Nous n’avons pas de relation avec des gens que l’on ne connaît pas » explique une voisine de la cage d’escalier. Il ne cessait d’appeler à l’aide, cela gênait les locataires. Enfin vers 19 heures le voisin ami arrive. Mohamed a attendu 6 heures sont un soleil de plomb avant de rentrer chez lui. Que se passa-t-il alors dans la tête de cet homme « qui semblait pacifique » ? Mardi il achète une carabine 22 long rifle. On suppose l’achat récent puisque la personne qui s’occupe de son ménage n’a jamais vu d’arme dans l’appartement et vers une heure du matin, jeudi, il se met à crier et menace de faire sauter l’immeuble avec une bouteille de gaz.
Désespoir ? folie ? toujours est-il qu’il n’hésite pas à tirer sur le pompier qui tentait d’ouvrir la porte. Celui-ci a été blessé par deux balles à l’aine et à l’abdomen.
Branle-bas de combat dans la police marseillaise qui déclenche l’alerte générale. Le chef de la sûreté, Monsieur Chatelain, en personne, dirige les opérations. Il est accompagné de 4 commissaires et d’une vingtaine de véhicules. On tente de parlementer, en vain. Mohamed tire par la fenêtre. Vers 5 h les forces de l’ordre décident de passer à l’attaque : au travers de la porte, les policiers tirent à feu nourri à hauteur d’homme. Après l’assaut le calme revient. Pensent le harki mort, le commissaire Antoine Biancardini défonce la porte à coup de pied. Mohamed allongé sur le sol tire, le policier s’écroule une balle dans la tête. Son état est désespéré. On bombarde alors l’appartement avec des grenades lacrymogènes ce qui permet de maîtriser le paralytique qui a été conduit à l’hôpital psychiatrique, et cette fois sans doute pour un bout de temps.
Coup de folie inexplicable dit-on. Pourtant quand on visite le voisinage, des braves gens qui défendent leur tranquillité et qui râlent parce qu’ils ont passé une nuit blanche, on se demande si le harki paralysé, n’a pas craqué hier sous l’accumulation d’humiliation, d’indifférence et de cruauté.
Pauline Cherki
568 mots
harki : supplétifs musulmans employés par l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
Proposition.
Donner les deux versions à la classe entière ou en ateliers (groupes). Si c’est en classe entière on a intérêt à faire un débat silencieux (à l’aide de a6). Ensuite on regroupera les idées pour arriver à un plan de dissertation, plus ou moins allégé selon les niveaux (3° – 1° – BTS) et l’intérêt des élèves. On peut consacrer 20 mn à la lecture puis 20 mn au débat silencieux , donner ensuite la synthèse qui suit et en discuter encore en débat silencieux 15 mn, total 55 mn.
L’essentiel est le mouvement qui passe du descriptif – narratif à l’explicatif-argumentatif.
Ma = journal le Matin, aujourd’hui disparu
Li = Libération
Code : 0 = introduction(s) et 9 = conclusions
Synthèse
- Introduction Ma et Li : deux journaux de gauche mais éclairages différents sur le même fait-divers, reportages publiés le 08_06_1979
- la police
- commissaire : héros de roman noir (Ma), victime de son imprudence lors de l’assaut (Li) – balle dans la tête (Li), sous l’œil vers l’occiput (Ma)
- marin-pompier l’avait raisonné : blessé (Li – Ma)
- une opération de grande envergure : chef de la sûreté, 4 commissaires, 20 véhicules, lacrymogènes (Li) – opération passée sous silence (Ma)
- différences importantes entre Ma et Li
- le harki
- ancien harki, maçon paralysé depuis 3 ans (Ma), 5 ans (Li), première crise au gaz avec intervention des marins-pompiers (Ma) – feu à la literie (Li) – carabine 22 long rifle (Li-Ma)
- reste de 14 à 19 h : 5 ou 6 heures (?) le lundi sans secours (Li) – 7 marches à franchir – achat probable de la carabine le mardi (Li) crise le jeudi, à une heure (Li – Ma)
- une crise inexpliquée (Ma), tout-à-fait explicable (Li)
- le voisinage
- Marseille -HLM Lamartine – XV° arrondissement quartier nord (Li Ma)
- un seul voisin l’aide et il est absent (Li) rien dans Ma
- propos rapportés au style direct : il est gentil mais on ne l’aide pas (Li) – rien dans Ma
- refus d’aider un handicapé (Li) rien dans Ma.
- Conclusion Racisme du voisinage ? probablement dans Ma ? non mais sources différentes : police (Ma) – enquête de voisinage (Li) d’où effet différent : l’intérêt se déplace du commissaire (Ma) au harki (Li)
Complément
Les deux articles se complètent. Les assaillants tirent horizontalement à hauteur de la tête de l’infirme dans l’intention de le tuer. Mais, au moment de l’assaut l’ancien harki retrouve les réflexes du combattant. Il se jette à terre et tire de haut en bas dans une trajectoire à 45 °. La balle touche le commissaire sous l’œil et ressort par l’occiput. Il est évident que la police ne va pas s’étendre sur cette erreur (version du Matin). L’enquêtrice de Libération ne la comprend pas davantage car la balistique n’est pas sa partie. Le lecteur attentif peut reconstituer l’ensemble car les deux versions sont différentes mais complémentaires.
(3) 25 REC fait-divers – histoire – Le Naour – 2017-06-14
Jean-Yves Le Naour « Le Corbeau, histoire vraie d’une rumeur » (2006 Hachette littératures, 220 p). Natacha Polony demande à Jean-Yves Le Naour d’analyser l’histoire du fait-divers. Voici sa réponse.
« Le fait-divers naît véritablement dans la presse à la fin du XIX° siècle avec le développement de la presse populaire. On peut même considérer que son acte de naissance, en 1870 , est l’affaire Troppmann, une histoire crapuleuse particulièrement sanglante qui a frappé les imaginations de l’époque. Elle fut exploitée par le premier journal populaire, « le Petit Journal ». D’abord parce que le prix de cette presse est faible : 5 centimes. Ensuite parce qu’avec la révolution industrielle et la diffusion de l’enseignement elle rencontre un public éduqué de plus en plus large. Enfin, le fait-divers devient un élément journalistique à part entière grâce à l’illustration.
« Il n’y a pas de hasard : le fait-divers apparaît avec la III° République et son souci de moralisation, d’édification des masses. Ces journaux populaires sont extrêmement moralistes. Toute société possède ses normes et le fait-divers est censé en dénoncer les déviances. Il provoque une catharsis, une purification, par le défoulement des bas instincts. En cela, il est un peu la tragédie de l’âge démocratique : on n’y présente plus des rois, mais M. Tout-le-Monde.
« Dès le début, on constate une concurrence acharnée entre les journaux, à celui qui dénichera un scoop, une interview du juge ou de la famille. Voyez l’affaire du corbeau de Tulle dans les années 20. Les journalistes perturbent l’instruction, s’improvisents enquêteurs. Ce qui varie selon les époques, ce sont les thématiques. Les faits-divers à caractère pédophile, par exemple, sont typiques de notre temps. Mais, surtout, la télévision et l’image ont apporté une modification majeure. L’écrit implique toujours une reconstruction ; on soulève des problèmes. Avec l’image, on parle au cœur et l’on fait surgir le refoulé, le besoin de violence et d’horreur. » (Marianne, 2006 – 10 -21)
(4) 25 REC fait-divers – écrivains – Minh Tran Huy – 2017-06-15
Minh Tran Huy « Les écrivains et le fait-divers » (Flammarion 308 p). Le fait divers inspire les écrivains : Stendhal « Le Rouge et le Noir », James M.Cain « Le facteur sonne toujours deux fois », Truman Capote « De sang-froid », Ivan Jablonska « Laetitia ». Fascination morbide pour le sang, le mystère, le fantasme… les écrivains aiment ces « soupapes par lesquelles s’échappe la vapeur brûlante de l’actualité, de la cruauté sociale » dit Elfriede Jelinek, prix Nobel de littérature. L’expression française « fait divers » traduit mal ce qu’on appelle ailleurs « affaires criminelles » ou « nouvelles locales ». Le Grand Dictionnaire universel du XIX° siècle de Pierre Larousse distingue trois familles : les « traits d’humanité » (sauveteurs, héros…), les transgressions (crimes, agressions, escroqueries, trafics…) et la mort violente (infanticide, suicide, exécution publique…). Roland Barthes note qu’un fait-divers ne renvoie qu’à lui-même. « Qui, où, quoi, comment, pourquoi, par quels moyens, toutes les réponses à ces questions sont contenues dans le fait-divers, récit fermé, clos sur lui-même. » (Minh Tran Huy) L’exemple type est l’affaire Dupont de Ligonnès. (d’après Alexandra Schwartzbrod, Libération, 13 avril 2017)
25 REC faits-divers trois et même quatre romanciers 2014_11
Truman Capote : « De sang-froid ». (1966) : Il suit pendant cinq ans les tueurs dans leur prison jusqu’à leur exécution car celle-ci marque le point d’orgue du livre qui va sortir. Il va jusqu’à brûler des cierges pour leur exécution. Cette duplicité qu’il revendique le condamne aux yeux de ses amis. A son tour il va devenir l’objet d’un film de Bennett Miller « Truman Capote » et d’un autre de Douglas MacGrath « Scandaleusement célèbre ». Sa limpidité, sa simplicité en a fait un modèle du genre. Mais la vie de Truman Capote est définitivement brûlée par ce livre. Voir « Truman Capote » (Wikipédia).
Emmanuel Carrère : « L’Adversaire » (2000) a travaillé avec Jean-Claude Romand pendant cinq ans avant de trouver le ton juste.
Didier Decoin : « Est-ce ainsi que les femmes meurent ? » (2009) et « Dictionnaire amoureux des faits-divers » (2014).
Régis Jauffrey « Sévère » (2010, banquier Stern) , « Claustria » (2012, Josef Fritzl) et « La Ballade de Rikers Island » (2014, DSK).
(5) 25 REC Fait-divers – travaux Auxilia 2009 – 2012
Yacine travaillait avec moi dans le cadre d’Auxilia. Voici la version finale du « deux cents mots » qu’il avait rédigé. Pierre Sanglier 2009
Fait-divers 2007 4° version
- En entrant dans sa voiture, il remarqua qu’il avait oublié ses papiers mais ne voulut pas retourner à la maison après sa dispute avec son fils cadet. Père de famille sans histoire, rien de fâcheux ne pouvait lui arriver.
- A la sortie du périphérique il grilla le feu rouge. L’agent de la circulation lui fit signe de se garer. Il expliqua sa situation mais se fit embarquer pour défaut de permis.
- Au poste, un OPJ lui signifia une récidive. Il expliqua que ce n’était pas de lui qu’il s’agissait mais de quelqu’un d’autre qui avait usurpé son identité. Il s’entretint avec un avocat qui lui dit d’être confiant.
- Le lendemain de la garde à vue on le transféra au Palais pour rencontrer un juge. Pendant le trajet il repensa à sa dispute avec son fils cadet . De là l’oubli des papiers. Il restait cependant confiant. Il s’agissait d’une erreur.
- De retour au Dépôt, il s’étonna près de son avocat de cet acharnement à son encontre. Il avait son permis depuis des années et aucun délit de la route à son passif. Etant innocent, Il restait confiant et rassuré.
- L’énoncé du verdict le laissa foudroyé. Six mois ferme et suspension du permis pour douze mois. L’avocat en resta sans voix. Il y aurait appel. Il n’avait pas le profil du suspect habituel. Restait à savoir si ce n’était pas la couleur de sa peau ou sa tête qui ne passait pas.
(Yacine, 244 mots, plusieurs heures)
Pierre Sanglier (2017-08-11) : Le titre est à la fois vrai et profondément ironique. L’explication se trouve dans la dernière phrase du § 6. Au total, cela fait un excellent « deux cents mots » bien qu’un peu long.
Un autre élève, Yanick, avait tenté de construire une discussion cohérente en août 2012. Voici le résultat.
Discussion
Pourquoi les gens s’intéressent-ils aux faits divers ?
Travail très intéressant. Vos 450 mots ont été rédigés en 2.30 heures. C’est bien. Vous pouvez faire plus bref mais en construisant davantage, je veux dire en numérotant les paragraphes de votre discussion. Je me contente dans un premier temps de noter vos éléments.
Le contenu noble des faits-divers
Les faits-divers nourrissent notre curiosité personnelle ou collective
La liberté d’expression dans le monde occidental.
Le dérapage des fausses informations.
Interdire aux médias d’évoquer des faits divers : impossible pour de multiples raisons. La démocratie. La presse a le pouvoir au niveau médiatique.
Les hommes politiques utilisent les faits-divers.
Dans une dictature comme l’Iran on ne connaît pas le statut du fait divers.
Faire bouger les lignes grâce aux faits-divers
Informer sur des violations des droits humains, à travers les faits-divers.
Ne pas montrer des images qui peuvent heurter les enfants.
Rôle du CSA (Conseil Supérieur de l’Audio-visuel)
Le contrôle parental. Des ados y échappent grâce à l’Internet.
Dans un second temps je vais reprendre le sujet et le traiter selon un plan qui répond à la question posée.
Introduction. Les médias nous informent des faits et des faits-divers. On les appelle “divers” parce qu’ils sont inclassables. Ils sont drôles ou tragiques mais ne relèvent ni de la politique, ni de l’économie ni d’autres grands sujets. S’ils n’ont pas d’importance pourquoi les gens s’y intéressent-ils ?
- Parce que les médias les proposent
I.1 Il s’agit de vendre de l’information même absurde. “Un chien qui mord un banquier n’est pas une information. Un banquier qui mord un chien, ça c’est de l’information” disent certains journalistes.
I.2 D’où l’intérêt pour les “people”, pour les faits-divers touchant les gens connus (cf affaire DSK), d’où aussi les “paparazzi”. Noter que certaines personnes connues cherchent cette notoriété douteuse quitte à la dénoncer ensuite.
I.3 Le fait-divers offre souvent un intérêt politique, économique ou social. Une information sur un massacre interpelle l’opinion publique dans le sens de la réprobation. Cela déclenche des protestations, des manifestations et des pétitions en faveur des droits humains.
2.Parce que les faits-divers nourrissent notre curiosité
II.1 La curiosité : “La curiosité, c’est attendre ce qu’on n’a pas prévu” dit le philosophe Alain. Le mot vient du latin curiositas “désir de connaître”. Il y a donc une attente de quelque chose pour combattre l’ennui ou pour apprendre.
II.2 L’essentiel est de ne pas nourrir sa curiosité avec du faux, du n’importe quoi. Certains médias sont des spécialistes de la fausse nouvelle racoleuse.
II.3 Il faut donc former notre esprit critique, constamment. Il faut approfondir un fait-divers, voir ce qu’il cache ou ce qu’il révèle. C’est un travail d’éducation qui se fait à l’école et en famille.
Conclusion. On n’échappe pas aux faits-divers. Nous les recherchons parce qu’ils nous apprennent quelque chose, qu’ils satisfont notre curiosité. Les médias nous en fournissent abondamment mais il faut les approfondir et en comprendre la portée. C’est ce que souhaitent les gens qui s’y intéressent.
(Ma discussion contient 323 mots. C’est bien suffisant comme longueur).
Pierre Sanglier (2017-08-11) : J’ai beaucoup aimé ce type de travail où l’élève entamait une réflexion que je poursuivais ensuite tout en lui laissant la paternité. Au fil des années j’ai insisté pour obtenir des discussions en deux-cents mots.
(6) 25 REC fait-divers – sémiologie – vérité – 1994
Vers 1994 une synthèse de documents (niveau BTS) proposait une « sémiologie du fait-divers » J’ai malheureusement perdu à la fois les textes et le corrigé de cette synthèse. Il n’en reste que la conclusion qui en dégageait l’esprit. La voici. Roger.
SEMIOLOGIE DU FAIT-DIVERS. 1994. Conclusion. Le public aime les faits-divers pour des motifs qui vont d’une curiosité quelquefois malsaine au désir de mieux se connaître ou de mieux connaître le monde. Certains faits-divers deviennent ainsi des sujets de romans, de pièces ou de films. Mais sous l’effet des médias – et en ce sens le texte de Baudrillard garde toute son actualité – le fait-divers s’est réduit simplement aux frustations sociales puis à un simple signe magique finalement dépourvu de toute signification.
C’est ce qui se passe pour les crimes perpétrés sur des enfants. Les médias insistent sur l’horreur du fait, la douleur des familles et s’interrogent rarement sur les troubles motivations du meurtrier.
Il en résulte une émotion morbide rarement dominée et qui débouche sur un désir irraisonné de vengeance. Or si l’on veut que cessent ces séries infernales il faut s’interroger sur leur raison profonde, connaître notamment le rìle de la fascination médiatique, comprendre enfin les mécanismes de la perversité humaine pour la soigner au lieu de la punir.
On voit donc que le fait-divers pose implicitement de redoutables problèmes que notre société ne sait pas encore affronter. Il est plus facile d’avancer dans la technologie que dans l’éthique…
Roger (2017-08-12) : J’ai failli évoquer les travaux de Pierre Bourdieu ou de Jean Baudrillard. Je m’en suis abstenu. Je ne domine pas du tout cette partie du sujet. Par ailleurs je la trouve un peu futile compte-tenu de l’enjeu politique du fait-divers. Je partage ici la position de Simone Weil dans « L’enracinement » :
« Le besoin de vérité est plus sacré qu’aucun autre. Il n’en est pourtant jamais fait mention. On a peur de lire quand on s’est une fois rendu compte de la quantité et de l’énormité des faussetés matérielles étalées sans honte, même dans les livres des auteurs les plus réputés. On lit alors comme on boirait l’eau d’un puits douteux.
« Il y a des hommes qui travaillent huit heures par jour et font le grand effort de lire le soir pour s’instruire. Ils ne peuvent pas se livrer à des vérifications dans les grandes bibliothèques. Ils croient le livre sur parole. On n’a pas le droit de leur donner à manger du faux. Quel sens cela a-t-il d’alléguer que les auteurs sont de bonne foi ? Eux ne travaillent pas physiquement huit heures par jour. La société les nourrit pour qu’ils aient le loisir et se donnent la peine d’éviter l’erreur. Un aiguilleur cause d’un déraillement serait mal accueilli en alléguant qu’il est de bonne foi.
« À plus forte raison est-il honteux de tolérer l’existence de journaux dont tout le monde sait qu’aucun collaborateur ne pourrait y demeurer s’il ne consentait parfois à altérer sciemment la vérité.
« Le public se défie des journaux, mais sa défiance ne le protège pas. Sachant en gros qu’un journal contient des vérités et des mensonges, il répartit les nouvelles annoncées entre ces deux rubriques, mais au hasard, au gré de ses préférences. Il est ainsi livré à l’erreur.
« Tout le monde sait que, lorsque le journalisme se confond avec l’organisation du mensonge, il constitue un crime. Mais on croit que c’est un crime impunissable. Qu’est-ce qui peut bien empêcher de punir une activité une fois qu’elle a été reconnue comme criminelle ? D’où peut bien venir cette étrange conception de crimes non punissables ? C’est une des plus monstrueuses déformations de l’esprit juridique.
« Ne serait-il pas temps de proclamer que tout crime discernable est punissable, et qu’on est résolu, si on a en l’occasion, à punir tous les crimes ?
« Quelques mesures faciles de salubrité publique protégeraient la population contre les atteintes à la vérité.
« La première serait l’institution, pour cette protection, de tribunaux spéciaux, hautement honorés, composés de magistrats spécialement choisis et formés. Ils seraient tenus de punir de réprobation publique toute erreur évitable, et pourraient infliger la prison et le bagne en cas de récidive fréquente, aggravée par une mauvaise foi démontrée.
« Par exemple un amant de la Grèce antique, lisant dans le dernier livre de Maritain : « les plus grands penseurs de l’antiquité n’avaient pas songé à condamner l’esclavage », traduirait Maritain devant un de ces tribunaux. Il y apporterait le seul texte important qui nous soit parvenu sur l’esclavage, celui d’Aristote. Il y ferait lire aux magistrats la phrase : « quelques-uns affirment que l’esclavage est absolument contraire à la nature et à la raison ». Il ferait observer que rien ne permet de supposer que ces quelques-uns n’aient pas été au nombre des plus grands penseurs de l’antiquité. Le tribunal blâmerait Maritain pour avoir imprimé, alors qu’il lui était si facile d’éviter l’erreur, une affirmation fausse et constituant, bien qu’involontairement, une calomnie atroce contre une civilisation tout entière. Tous les journaux quotidiens, hebdomadaires et autres, toutes les revues et la radio seraient dans l’obligation de porter à la connaissance du public le blâme du tribunal, et, le cas échéant, la réponse de Maritain. Dans ce cas précis, il pourrait difficilement y en avoir une.
« Le jour où Gringoire publia in extenso un discours attribué à un anarchiste espagnol qui avait été annoncé comme orateur dans une réunion parisienne, mais qui en fait, au dernier moment, n’avait pu quitter l’Espagne, un pareil tribunal n’aurait pas été superflu. La mauvaise foi étant dans un tel cas plus évidente que deux et deux font quatre, la prison ou le bagne n’auraient peut-être pas été trop sévères.
« Dans ce système, il serait permis à n’importe qui, ayant reconnu une erreur évitable dans un texte imprimé ou dans une émission de la radio, de porter une accusation devant ces tribunaux.
« La deuxième mesure serait d’interdire absolument toute propagande de toute espèce par la radio ou par la presse quotidienne. On ne permettrait à ces deux instruments de servir qu’à l’information non tendancieuse.
« Les tribunaux dont il vient d’être question veilleraient à ce que l’information ne soit pas tendancieuse.
« Pour les organes d’information ils pourraient avoir à juger, non seulement les affirmations erronées, mais encore les omissions volontaires et tendancieuses.
« Les milieux où circulent des idées et qui désirent les faire connaître auraient droit seulement à des organes hebdomadaires, bi-mensuels ou mensuels. Il n’est nullement besoin d’une fréquence plus grande si l’on veut faire penser et non abrutir.
« La correction des moyens de persuasion serait assurée par la surveillance des mêmes tribunaux, qui pourraient supprimer un organe en cas d’altération trop fréquente de la vérité. Mais ses rédacteurs pourraient le faire reparaître sous un autre nom.
« Dans tout cela il n’y aurait pas la moindre atteinte aux libertés publiques. Il y aurait satisfaction du besoin le plus sacré de l’âme humaine, le besoin de protection contre la suggestion et l’erreur.
« Mais qui garantit l’impartialité des juges ? objectera-t-on. La seule garantie, en dehors de leur indépendance totale, c’est qu’ils soient issus de milieux sociaux très différents, qu’ils soient naturellement doués d’une intelligence étendue, claire et précise, et qu’ils soient formés dans une école où ils reçoivent une éducation non pas juridique, mais avant tout spirituelle, et intellectuelle en second lieu. Il faut qu’ils s’y accoutument à aimer la vérité.
« Il n’y a aucune possibilité de satisfaire chez un peuple le besoin de vérité si l’on ne peut trouver à cet effet des hommes qui aiment la vérité. »
(Simone Weil 1909 – 1943 « L’enracinement » 1943)
(7) 25 REC fait-divers – « La Presse » 1927 – 1932 – 2017-08-11
(1) Le vol Paris New-York de Nungesser et Coli La Presse 10 mai 1927.
BnF, droit, économie, politique, GR FOL- LC2- 1416 © BnF
« En 1927, les exploits aéronautiques ont toujours les faveurs de la presse et des lecteurs. Mais la tentative de traversée de l’Atlantique par les aviateurs Charles Nungesser et François Coli sera surtout l’occasion d’un raté journalistique retentissant.
« En effet, tandis que les deux aventuriers disparaissent en mer (leur avion, L’Oiseau blanc, ne sera jamais retrouvé), La Presse fait paraître le 10 mai 1927 une édition spéciale proclamant l’arrivée triomphale des deux français à New York, et n’omettant aucun détail de leur périple. Ce faux scoop, évidemment préparé à l’avance afin de prendre de vitesse les titres concurrents, discrédite le journal, qui disparaît en 1932. »
(2) Disparition de Nungesser et Coli
« Le 9 mai 1927, Français et Américains apprennent avec consternation la disparition des aviateurs Charles Nungesser et François Coli dans leur tentative d’effectuer la première traversée de l’Atlantique Nord sans escale.
« Héros populaire et malheureux
« Le retentissement médiatique du drame tient à la personnalité hors normes de Charles Nungesser (35 ans). As de la Grande Guerre avec 43 victoires à son actif, il a été blessé et a plusieurs fois frôlé la mort.
« Affronté un jour à un avion allemand plus performant que le sien, Nungesser, résigné, atterrit pour ne pas être abattu en vol. Mais son adversaire, ayant reconnu son écusson, renonce à le mitrailler et se contente de le survoler en le saluant…
« Après la guerre, le héros s’installe dans un hôtel particulier du rond-point des Champs-Élysées, mène grande vie, reçoit une Rolls-Royce du Prince de Galles… Il fait la connaissance d’une jeune milliardaire américaine, Consuelo, dont il tombe amoureux et qu’il épouse en 1923. Entre temps, il fonde à Orly une école de pilotage mais ne tarde pas à faire faillite et se ruiner.
« Il rebondit et devient aux États-Unis une grande figure du show-business. Lui-même devient acteur et joue son propre rôle. Mais il ne tarde pas à connaître de nouveaux revers. Aux États-Unis, son étoile pâlit. Pire que tout, sa chère Consuelo demande et obtient le divorce.
« Nungesser répond alors à une offre de 25.000 dollars à qui traversera pour la première fois l’Atlantique Nord en avion…
« Une tentative médiatique
« Le héros s’associe à François Coli, un autre pilote de guerre issu de la marine marchande, qui a réussi en 1919 la double traversée de la Méditerranée. Après avoir essuyé plusieurs refus du constructeur Levasseur, les deux hommes obtiennent enfin la livraison d’un avion sur mesure.
« Après une préparation de plusieurs semaines, ils décollent le 8 mai 1927 du Bourget à bord de leur biplan Levasseur, baptisé «L’Oiseau blanc» en souvenir d’un chef indien.
« L’avion est signalé aux abords de Terre-Neuve et, sur la foi d’une fausse dépêche, un journal parisien du soir, La Presse, se hasarde à annoncer leur arrivée à New York. Mais c’est en vain que l’on guette les deux aviateurs. À Paris, les badauds, scandalisés, saccagent les locaux de La Presse.
« Dans les années 1930, on a retrouvé dans l’État du Maine, non loin de New York, des débris et un moteur d’avion du même modèle que celui de «L’Oiseau blanc». Certains en ont conclu que les deux malheureux avaient malgré tout réussi leur pari.
« D’autres pensent que l’avion aurait pu s’écraser sur une plage des rives du B plage des rives du Bas Saint-Laurent. » (Hérodote.com)
Voir aussi « L’oiseau blanc » (Wikipédia)
Roger (2017-08-11) : Les deux aviateurs étaient très populaires et leur machine « L’oiseau blanc » bien préparée. Leur échec parut incompréhensible des deux côtés de l’Atlantique. Et quelque jours plus tard Charles Lindberg décida de relever le défi avec son « Spirit of Saint-Louis ». Et il réussit (20 et 21 mai 1927). Ce fait-divers m’intéresse par la bévue du journal « La Presse » qui fut durement critiquée à l’époque. Il aurait dû être poursuivi pour « propagation de fausses nouvelles. » (voir Wikipédia). Mais ce journal avait perdu tout crédit et disparut cinq ans plus tard en 1932. L’ironie est que cette étude sur le fait-divers finit comme elle a commencé : l’évocation d’informations fausses.
Roger et Alii – Retorica – 5 800 mots – 34 800 caractères – 2017-08-13