1. Jean-Marie (29 janvier) : Que d’interrogation autour du mariage ! J’avais pensé que le PACS était fait pour se substituer au mariage homosexuel. Il n’en est rien. S’en suivra l’adoption, elle passera. Mais ceci cache une dernière phase, la polygamie. Avec la montée de l’Islam nous y allons tout droit. L’émission que je regardais partiellement hier soir montait trois lesbiennes vivant ensemble. Je n’y vois rien de mal, par contre l’extension pourrait parfaitement voir un « agglomérat » d’hommes et de femmes vivant en communauté. La période hippie était précurseur. La scission riches / pauvres se fait de plus en plus grande. En fait nous entrons dans un monde que nous ne maîtrisons plus et où j’’ai l’impression que plus nous avons accès à la connaissance et plus nous sommes faciles à avilir. Quoi qu’il en soit, il est tout-à-fait normal que les homosexuels aient un statut, mais lequel ? Roger (29 janvier) : Est-ce que les hétérosexuels ont un statut particulier ? Poser la question c’est évidemment y répondre. Je citais la saillie de Montalban : « Un couple hétérosexuel entra dans le restaurant. » Humour… humour… Par contre la polygamie est un problème réel posé par l’islam et aussi l’ancien Testament.
2. Jean-Marie (28 février) : Je viens de recevoir le message suivant et j’ignore quel crédit y apporter mais il irait dans le sens que je pressentais dans un récent email que je vous avais adressé :
“Et hop, les réactions ne se font pas attendre comme on pouvait le prévoir, « NORMAL » non ? Pas fini de payer des « allocations familiales » ! ! !
Le CFCM (conseil français du culte musulman) fait savoir que si la loi sur le mariage gay (auquel il est théoriquement opposé) est votée, il demanderait une loi sur le mariage multiple (polygamie) car il n’ y a pas de raison que le mariage pour tous ne concerne pas les musulmans. On peut aimer plusieurs femmes en même temps, donc les épouser.
Il se propose même d’aller jusqu’à la cour européenne des droits de l’homme.”
Roger (28 février) : J’hésite toujours à classer la polygamie en 08 FAM ou 30 SEX. 08 FAM me paraît plus adéquat car il faut apprécier la polygamie par ses conséquences sur les enfants. Elles sont apparemment très nocives si je m’en tiens aux témoignages. J’ai lu en son temps d’Ibrahim Yakoub « Goma, polygame à La Courneuve. Quatre femmes et quatorze enfants » (Buchet-Chastel, 2008, 190 p). Voici la 4° de couverture : « Ibrahim Yakpib est un homme qui s’insurge contre la polygamie. Né aux Comores dans une famille polygame, il en a gardé le souvenir cuisant de la guerre à laquelle se livraient sa mère et les autres épouses de son père. Depuis qu’il vit en France, il a observé les ravages causés par cette coutume. Pour en illustrer le caractère dramatique, il raconte l’histoire terrifiante, mais réelle, d’une famille de son quartier. Une histoire qui a conduit Goma, habitant de La Courneuve, à se marier quatre fois pour le plus grand malheur de Hamida, Sara, Moina et Salima. Ibrahim Iakoub dévoile la violence faite aux femmes, les contraintes imposées par les familles complices, le soutien que rencontrent les polygames, les souffrances des enfants… Un livre choc.«
J’attendais cette réaction des milieux musulmans et spécialement du CFCM. Il va falloir défendre la monogamie institutionnelle.
C’est sur cette question que les musulmans algériens avaient refusé le décret Crémieux qui leur donnait la nationalité française. Les juifs l’avaient accepté facilement, la polygamie étant interdite dans le judaïsme depuis le XIII° siècle au nom de la fidélité « à la femme de ta jeunesse » (Bible)
3. Roger (16 juillet) : Quelques remarques :
a). Dans des sociétés guerrières les veuves étaient nombreuses et sans ressources. La polygamie était donc admise.
b). Quand ces sociétés s’apaisent, elles découvrent les inconvénients de ce système : conflits entre les femmes sauf exceptions, maltraitance des enfants. Mahomet conseille de s’en tenir à quatre épouses pour leur assurer une égalité de traitement tant affectif que financier. Ce qui est impossible et mène à la monogamie. Le divorce permet des monogamies successives
c) Van Gulick (1910 – 1967) décrit dans “La vie sexuelle dans la Chine ancienne” (1971) une coutume curieuse. Quand un mandarin devait être appelé à une fonction supérieure les autorités lui offrait une concubine et observaient comment il gérait cette nouvelle situation familiale. S’il s’en tirait honorablement il obtenait le poste. Coucher avec la concubine la première nuit de son entrée était la faute à ne pas commettre et qui barrait tout avancement. L’harmonie taoïste dans la durée était et reste la valeur suprême.
3. Jésus condamne la polygamie et le divorce. Notre morale occidentale repose sur les valeurs judéo-chrétiennes. Mais qu’est-ce qui les justifie ? Dans l’Evangile de Marc (10, 1-12) on lit ceci : 10.1 Jésus, étant parti de là, se rendit dans le territoire de la Judée au delà du Jourdain. La foule s’assembla de nouveau près de lui, et selon sa coutume, il se mit encore à l’enseigner.
10.2 Les pharisiens l’abordèrent; et, pour l’éprouver, ils lui demandèrent s’il est permis à un homme de répudiée sa femme.
10.3 Il leur répondit: Que vous a prescrit Moïse?
10.4 Moïse, dirent-ils, a permis d’écrire une lettre de divorce et de répudier.
10.5 Et Jésus leur dit: C’est à cause de la dureté de votre coeur que Moïse vous a donné ce précepte.
10.6 Mais au commencement de la création, Dieu fit l’homme et la femme;
10.7 c’est pourquoi l’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme,
10.8 et les deux deviendront une seule chair. Ainsi ils ne sont plus deux, mais ils sont une seule chair.
10.9 Que l’homme donc ne sépare pas ce que Dieu a joint.
10.10 Lorsqu’ils furent dans la maison, les disciples l’interrogèrent encore là-dessus.
10.11 Il leur dit: Celui qui répudie sa femme et qui en épouse une autre, commet un adultère à son égard;
10.12 et si une femme quitte son mari et en épouse un autre, elle commet un adultère.
(traduction Segond)
4. Commentaire. C’est une discussion talmudique entre adversaires d’égale force. “Les” ou plutôt “des” pharisiens ont apparemment pour eux Moïse et la tradition. Jésus qui est, lui aussi, de culture pharisienne, les renvoie à une tradition plus haute encore, celle de Genèse 2, 24 qui insiste sur le rapport charnel. La polygamie et le divorce ne sont que des commodités méprisables. Jésus enfonce le clou devant ses disciples restés dubitatifs car l’acte de mariage juif (la kétouba) prévoit non seulement la répudiation (guet) par le mari mais aussi, et on le sait moins, des dispositions éventuelles où la femme peut demander le divorce et des compensations financières substantielles. Jésus n’entre pas dans ces considérations. Sans le dire explicitement il reprend un propos de Malachie 2 : 14 « ... l’Eternel est témoin entre toi et la femme de ta jeunesse, que tu as trahie, elle qui est ta compagne, la femme unie à toi par un pacte. » 15 « … Veillez donc sur vous-mêmes, et que personne ne trahisse la femme de sa jeunesse » 16. « Car je hais la répudiation, dit l’Eternel, Dieu d’Israël et celui qui couvre son vêtement de violence, dit l’éternel Cebaot. Surveillez donc vos sentiments et ne commettez pas de trahison. » (Bible du Rabbinat). Voici la traduction de Chouraqui, plus proche de l’hébreu : « 14 … YHVH est un témoin / entre toi et la femme de ta jeunesse que tu trahis / elle, ton amie, la femme de ton pacte ! 15 « … Soyez gardés en votre souffle, / la femme de ta jeunesse, ne la trahis pas. » 16 « Oui, je hais la répudiation, dit YHVH, l’Elohim d’Israël, / et celui qui recouvre de violence son vêtement, dit YHVH Sebaot. Soyez gardés en votre souffle et ne trahissez pas. » On comprend qu’il s’agit de sauvegarder une tendresse construite au fil des années.
5. Polygamie en pays musulman : Nigéria “La polygamie ? Non merci !. Pour Lola Shoneyin, poétesse d’origine nigériane, il ne fait aucun doute que les femmes sont les victimes de cette pratique, qui reste très ancrée dans la culture africaine.” Quand elle avait dix ans elle pensait que ce devait être formidable d’être l’une des trois femmes d’un grand chef : elles seraient comme des sœurs, iraient ensemble au restaurant, porteraient les mêmes vêtements… Sa mère lui fait remarquer qu’à l’intérieur ces femmes sont tristes et aigries. Plus tard elle lui explique que les enfants de familles polygames sont souvent sournois afin de pouvoir survivre. Elle savait de quoi elle parlait : son propre père avait cinq épouses. Il y avait été contraint par la tradition étant devenu oba (chef traditionnel). A chaque mariage, sa relation avec sa femme (la grand mère de la narratrice) s’est déteriorée. Alors qu’elle avait vécu très heureuse les onze premières années de son mariage, elle vit son mari devenir progressivement égoïste et distant. Il se sentait peut-être coupable de ne pas savoir résister à la tradition. La grand-mère de la narratrice surprotégea ses enfants, leur demandant de n’accepter aucune nourriture des nouvelles épouses, de peur qu’elles les empoisonnent. De leur côté les nouvelles épouses faisaient tout pour déstabiliser les précédentes. Le chef, arrivé au pouvoir en 1938 est mort en 1976 avant la grand-mère, son épouse. Celle-ci est restée à la cour, triste et insatisfaite, n’ayant jamais pardonné à son époux.
Marquée par ce récit, au moment d’entrer à 16 ans à l’université, la narratrice s’est découvert une grande sympathie pour les enfants de familles polygames. “Les enfants des premières femmes disaient souvent qu’ils se sentaient trahis, que la vie était injuste avec eux parce qu’ils devaient partager leur père. Pensant souvent qu’ils avaient des droits supérieurs à ceux des autres enfants, les enfants du premier mariage dénigraient leurs demi-frères et sœurs et les traitaient avec mépris. Par ailleurs, les enfants des nouvelles femmes étaient défaitistes ou faisaient preuve d’une compétitivité obsessionnelle. Ils étaient habitués à se battre pour qu’on s’occupe d’eux.” (…) On rencontre plus de polygames dans le nord, chez les musulmans et les milieux pauvres. “Certaines femmes acceptent la polygamie par amour ou pour le statut prestigieux du mari, mais la majorité y cherchent avant tout la sécurité financière”. (…) “Les femmes sont les pions d’un jeu qui les dépasse.
Il faut se rendre à l’évidence : la polygamie est un obstacle pour tous les pays qui rêvent de progrès et de développement.” (…)
(d’après Courrier international, 2010_07_15)
6. Yakoub “Goma, polygame à la Courneuve” Incapable de comprendre les besoins de sa première femme, Goma sur les conseils traditionnels en prend une seconde, puis une troisième et enfin une quatrième. Il va de catastrophe en catastrophe. Pourtant la communauté comorienne à laquelle il appartient organise des réunions “classiques” où l’on invite les femmes à faire preuve d’obéissance à l’aide de prêches qui peuvent durer plusieurs heures. Un iman présente le Coran pour lui faire dire ce qui arrange les hommes.
“Mais lorsque les hommes “de confiance” se retrouvent seuls entre eux, pour des réunions plus informelles, ils abordent les buts cachés de cette organisation, parmi lesquels le combat contre la justice française et contre ceux qui veulent voir appliquée la loi française dans les affaires familiales. L’organisation a recruté des hommes influents dont le rôle est de faciliter la résolution des problèmes, moyennant finances, bien entendu. Les moye,s utilisés sont divers, allant de l’intimidation des épouses pour les remettre dans le droit chemin à l’intervention auprès d’élus pour leur demander des “services”. Et cela fonctionne ! De nombreuses femmes ont ainsi été forcées à abandonner des procédures contre leur mari polygame, menacées physiquement par ces hommes. L’une d’entre elles, par exemple, a été contrainte, accompagnée par un avocat de l’organisation, de retirer sa plainte auprès du procureur. Puis l’affaire a été “jugée” clandestinement dans l’appartement d’un des membres du réseau. La femme a été battue pour sa désobéissance, et menacée de mort. Depuis, elle rentre la tête dans les épaules et ne cherche plus à faire valoir ses droits.
Certaines personnalités influentes de Seine-Saint-Denis ont assisté à des réunions “classiques”, invitées par des amis proches, ignorant que leur participation allait financer une organisation de soutien à la polygamie. Tout cela est fait sous le couvert d’associations à vocations sociale ou culturelle, dont les intentions sont suffisamment bonnes pour endormir toute méfiance : construction d’écoles au pays, projets d’électrification… C’est ainsi que les pouvoirs publics apportent parfois leur aide, au bout du compte, à des hommes dont le but est d’asservir les femmes.”
(Ibrahim Yakoub avec la collaboration de Caroline Sers, Goma, polygame à la Courneuve, quatre femmes et quatorze enfants” Buchet – Chastel, 2008, 190 pages, 14 €, pp 172 – 173)
7. Egalité, accueil, décohabitation.
http://rs.sqdi.org/volumes/211-05-Leduc-Raby-Scott.pdf :
“Le mariage polygame et le droit international privé québécois dans une perspective de droit comparé” par Ariane Leduc, Mélanie Raby et Valérie Scott. (2008 21.1 Revue québécoise de droit international)
De cette étude complexe je retiens quelques idées simples et fortes. Elle cite le Comité des droits de l’homme : la polygamie « est incompatible avec l’égalité de traitement en ce qui concerne le droit de se marier. La polygamie est attentatoire à la dignité de la femme. Elle constitue, en outre, une inadmissible discrimination à son égard. Elle doit être, en conséquence, définitivement abolie là où elle existe »
Mais “nous croyons qu’un mariage polygame contracté à l’étranger par des époux de bonne foi en conformité avec leur loi personnelle devrait être reconnu valide dans l’ordre juridique canadien. (…) …. en dépit du fait que la polygamie est une institution qui porte atteinte à l’égalité entre les sexes.”
Enfin : “Face à l’augmentation constante de l’immigration au Canada, les tribunaux risquent d’être de plus en plus souvent confrontés à des questions touchant la reconnaissance des mariages polygames. Ceci est d’autant plus vrai que la proportion d’immigrants pourrait atteindre 22 % de la population canadienne d’ici 2017 et que la moitié des 10 premiers pays d’origine des résidents permanents permet la polygamie à un certain degré (Inde, Iran, Pakistan, Philippines et Sri Lanka)289. Il semble donc essentiel que l’état du droit soit clarifié puisque les demandes ne manqueront pas d’affluer dans les prochaines années”.
Arrivée sur le sol français toute personne esclave devient libre. C’est la loi issue du “droit du sol”. La décohabitation des familles polygames est à la fois légale, nécessaire et difficile à mener :
http://www.leparisien.fr/societe/comment-la-lutte-contre-la-polygamie-s-organise-31-07-2006-2007207942.php
http://www.leparisien.fr/yvelines-78/les-familles-polygames-peinent-a-decohabiter-19-08-2010-1036009.php
Roger et alii
Retorica
(15.000 caractères)