08 FAM conflit humour 2011_12


1. Cet article est né d’un échange avec Régis au sujet de la manière de résoudre les conflits dans une perspective non-violente. Le couple, la famille sont les lieux les plus immédiats où se posent les problèmes.

 

        2. L’appropriation de l’espace du conflit, le jeu de rôles, l’interactivité m’ont fait souvenir du “théâtre de l’opprimé” et du “théâtre forum” d’Augusto Boal (consulter Google et Wikipédia). Je pense qu’il est possible de rédiger des situations conflictuelles brèves, peut-être en quatre répliques, pour leur trouver une solution pacifique. C’est le sens des activités en maternelle du type Trois Figures. Je pense vous en avoir déjà parlé dans un article 33 VIO maternelles Trois Figures 2011_09. Autre référence très récente :

 

        3. Polanski. Carnage. D’après une pièce de Yasmina Reza “Le dieu du carnage” (2006), Polansky analyse brillamment la trilogie conflit – haine – violence. “Deux enfants se sont disputés sur un terrain de jeu : l’un a frappé l’autre. Mais le blessé ne s’est-il pas comporté en chef de bande humiliant ? Le film commence quand les parents du blessé reçoivent ceux de l’agresseur. L’explication vire tous azimuts et ne tarde pas à devenir sanglante. (…) Ce film “dévoile l’affrontement passionnel pur et dur sous la gangue des mots.” (d’après David Fontaine, Canard, 2011_12_07)

 

        4. Le hasard des lectures m’a fait découvrir le dossier “Parents & enfants”  dans La Croix du 7 décembre 2011 consacé à “l’humour, baromètre de la santé familiale”. Comme la famille peut être à l’origine de conflits graves (voir Polanski Carnage) il est intéressant de lier conflit et humour. D’où ce mail. Voici le sens de cette enquête “Rire tous ensemble est le signe d’une communication saine au sein du foyer. Mais l’humour est une arme à double tranchant, qu’il convient de manier dans le respect de chacun.” Même et surtout en son absence. S’éduquer à la retenue : s’interdire de penser du mal de quelqu’un, tâche difficile. Nahum Frenck, pédiatre et thérapeute suisse insiste sur l’utilité de l’humour en famille. Il note avec humour le récit de la Genèse (chap 17) où Sarah éclate de rire en apprenant qu’à 90 ans elle aura un fils d’Abraham. Ce sera Isaac (en hébreu “Il rira”), messager du rire. Le mot humour vient de humeur au sens de “fluide”. “L’humour est quelque chose de léger qui fluidifie les relations, suscite la découverte réciproque et l’ouverture à l’autre.” D’où son emploi en thérapie familiale car il est le signe de rapports harmonieux au sein de la famille.  Colette Braem, psychologue et thérapeute de couple note de son côté : “Lorsque le climat est chargé s’incompréhension, de tensions, de sous-entendus, quelque chose survient, un souvenir commun, un événement drôle ou une grimace qui provoque l’hilarité générale et remet ses membres dans une atmosphère plus légère.” Corinne Cosseron, “rigologue” et fondatrice de l’Ecole internationale du rire et du bien-être, analyse la situation : “Le rire est provoqué par le seul plaisir d’être ensemble. Il suffit que la famille soit réunie.” Pour elle “la famille bienveillante est alors le lieu idéal où l’on va tester les blagues, les bons mots. Bref, le creuset pour forger son sens de l’humour.” Mais il faut un entraînement. Devant une plaisanterie  vaseuse ne pas dire “Tu n’es pas drôle” mais “Cette blague n’est pas drôle”. On peut rire tous ensemble mais pas de tout. Savoir rire de soi-même est fondamental dans l’humour.

 

        5. Mais un mot de trop peut blesser. “L’ironie produit l’effet contraire de l’humour : elle est une arme tranchante, une agression, une fermeture.” Les enfants, poursuit Nahum Frenck, ont l’ironie en horreur ; ils y sont très sensibles et se sentiraient facilement pris comme souffre-douleur : “Les enfants, surtout à l’adolescence, sont plus sensibles à la moquerie. Prenant tout comme argent comptant, ils se sentent dévalorisés.” L’ironie détruit, là où l’humour construit : “Pratiqué en famille, il offre un regard sur le monde, une aide à vivre, à dédramatiser le quotidien. Chez l’enfant il aide à grandir, prépare son avenir, recharge ses batteries et influence son mode relationnel. Il constitue aussi un outil pédagogique pour faire passer des messages.” Une interdiction de sortie n’est pas un drame si elle devient un sujet de comédie (cf dossier 32 THE Boal Auguste  “La sortie”). L’humour, le rire doivent être pratiqués au moins une fois par jour.  Nahum Frenck ajoute que l’humour est, paradoxalement,  une autre manière d’exprimer son autorité. Ainsi Louis, 49 ans, apprécie ces moments délirants et explosifs où il trouve sa place : “Si mon épouse incarne la règle, la bonne éducation, je suis celui qui, par l’hmour, peut les remettre en question. Et les enfants adorent ça !” (d’après un dossier de France Lebreton)

 

        6. Le même dossier contient d’autres informations très intéressantes. Ainsi l’Observatoire des cours de récréation 2010 analyse ce qui faire rire les enfants. 82 % d’entre eux estiment qu’on ne peut pas rire des injustices, de la maladie, du handicap ou de la mort.

        Le 10° rassemblement international des rieurs (RIR) aura lieu à Frontignan (Hérault)  du 1er au 8 mai 2012. Voir www.ecolederire.org. En collaboration avec d’autres rieurs Corinne Cosseron a écrit “Le yoga du rire” (Guy Tredaniel 2011), les “Cahiers d’exercices pour rire davantage” (ESF 2010) et “Remettre du rire dans sa vie.La rigologie mode d’emploi” (Robert Laffont 2009). De Nahum Frenck “Familles jamais tranquilles ! Ou comment grandir ensemble pour le meilleur et pour le rire” (Payot-Lausanne 2000). 

 

        7. Ce dossier se termine sur le rire. Personnement même si elles sont liées, même si je les classe dans la même section 28 RHEtorique je distingue soigneusement les notions humour, comique et rire.  Il y a longtemps déjà j’avais rédigé pour le mouvement Freinet  un petit ouvrage : “Pourquoi rions-nous ?”  (BT2 n°246 PEMF 1991). Le dossier de La Croix donne la parole à Henri Rubinstein, auteur de “Psychosomatique du rire. Rire pour guérir” (Ed Robert Laffont) et parrain de l’Ecole du rire et du bien-être. Les bienfaits du rire sont connus depuis l’Antiquité mais à la fin du Moyen-Age il représente le diable. Ensuite il est considéré comme vulgaire et propre au peuple. Son aspect thérapeutique réapparaît avec le journaliste américain Norman Cousins qui, dans les années 1970, victime d’une  maladie rhumatologique  incurable et très douloureuse décide de se soigner par le rire. Durant trois semaines il visionne des films comiques dans une chambre d’hôtel. Il n’arrête pas de rire et il guérit. Il enseigne alors sa méthode dans les facultés de médecine.

        Henri Rubinstein, neurologue, note que le rire agit sur le plan musculaire, respiratoire (il est proche du yoga) et neurologique (production d’endorphines). Donc production de remèdes naturels. Là où l’association le Rire médecin intervient, les anti-douleurs chimiques baissent de 30 %. Quand nous rions le cortex cérébral est déconnecté et le rire devient irrépressible. Le rire est une forme de résistance sociale comme on le voit dans les dictatures. Le rire unit les familles, rompt l’isolement et combat la solitude.

 

        8. Pour Anne Roumanoff, humoriste de profession, l’humour “c’est plutôt chercher une défense contre la dureté de la vie.” Elle parle de ses filles adolescentes : “Je pense qu’il est nécessaire de leur rappeler d’autres valeurs que celles mises en avant par la société de consommation, et l’humour en fait partie. Et puis, à un âge où on a tendance à dramatiser, cela allège la vie.” L’humour permet, selon elle, d’unir les générations mais il faut le pratiquer avec doigté. “Lorsque mes filles ont des problèmes, j’essaie de dédramatiser, mais en même temps, je ne crois pas que l’on puisse pratiquer l’humour en permanence.”  On peut être déstabilisé par un enfant moqueur à qui on essaie de dire des choses sérieuses. L’humour est compliqué. Le rire est une émotion qui meurt dès qu’on l’analyse. (fin du dossier de  France Lebreton).

 

 Roger et Alii

Retorica

(8.100 caractères)

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