01 ART architecture Parent 1995

Ce texte de l’architecte Claude Parent (1923 – a été proposé à des étudiants de BTS vers 1995. Ils l’ont jugé difficile par manque d’identification. Certains ont considéré sans aucune indulgence ses mésaventures personnelles. Le sujet était surtout l’occasion d’une exploration trampoline autour du thème de l’architecture .

Claude Parent : Pour une architecture personnalisée

1. Contrairement aux pronostics de ces dix dernières années qui sont à inscrire au discrédit de technocrates et de sociologues associés dans la même fausse prophétie, le logement ne deviendra pas un bien de consommation et ne suivra pas le triste cheminement de l’objet fabriqué. Jusqu’alors, il s’agissait chez moi d’une position éthique ; maintenant, il s’agit d’une option de survie de l’espèce au niveau de l’économie globale. Le lieu de vie, le lieu de travail, le lieu où se déroule l’activité humaine, redevient sacré. Au niveau de cette sacralisation, l’architecte s’efforce de mettre en liturgie le geste quotidien. Les actions quotidiennes trouvent à travers l’aide provisoire du langage architectural une nouvelle signification qui dirige l’homme petit à petit vers une redéfinition.

2. J’ai toujours été, même très inconsciemment, sensible à ce contenu sacré de l’architecture dans une époque qui, semble-t-il, la ravale au rang d’utilité, quand ce n’est pas de distraction. Je n’ai jamais abordé un lieu, un espace externe, une architecture intérieure sans une sorte de réserve, de retenue comme pour ne pas en effaroucher le contenu par une prise de connaissance trop brutale. Quant aux lieux que j’ai habités, même aux pires moments de ma vie, me débattant dans les difficultés financières insolubles, couvert de dettes, je n’ai jamais hésité à les marquer, à les personnaliser, non affectivement par l’apport d’objets personnels chargés de ce contenu émotif, mais par une structuration affirmée de l’espace.

3. Les deux derniers exemples que je peux donner sont récents. Après ma maladie, sans argent, sans travail, me rétablissant lentement, me tenant chaque jour en équilibre à la limite de la dépression, j’ai senti la nécessité absolue de reconsidérer l’espace de ma maison qui avait une quinzaine d’années d’âge et de me mettre en accord avec mes théories architecturales sur l’oblique. Je l’ai fait en m’endettant davantage, en vendant des tableaux qui m’avaient été offerts par des peintres amis, parce qu’il s’agissait d’une survie à réaliser à travers cet acte. Et je l’ai fait, étant encore très affaibli, pour un homme qui n’y chercherait pas refuge et protection mais dialogue et projection, donc dans l’hypothèse d’un homme en parfaite santé. Je n’ai donc pas plié l’architecture à mon état d’âme, ou à mon état physique du moment, mais réalisé une architecture de l’avenir, rude, fatigante, difficile à pratiquer pour un malade, dans l’espoir qu’elle participerait à ma réhabilitation psychologique et physiologique. Cette architecture me résiste encore parfois, lorsque la fatigue me saute dessus à l’improviste, mais je suis sûr qu’elle a beaucoup, par sa présence, aidé à me remettre en piste. Et pourtant , c’est une expérience très peu aboutie, maladroite, loupée par certains côtés ; mais elle est riche de son contenu de vérité, de ses pentes rigoureuses à 28 %, du dialogue permanent qu’elle me force à entretenir avec les espaces obliques que je suis encore loin de maîtriser. Tel est le service que l’architecture m’a rendu en un moment difficile parce que je croyais en elle.

4. On pourrait dire que le deuxième exemple se situe à l’inverse, comme une réponse de l’homme à l’architecture. Mon père est mort cet hiver après une longue maladie. Il n’a survécu que peu d’années à la mort de ma mère qui nous bouleversa par sa rapidité. Il est impossible de se prononcer sur ces deux façons de mourir, mais je sais que ma mère a regretté pendant ces derniers jours de ne pas être chez elle, et mon père dans les derniers mots qu’il m’a adressés me demandait de venir le prendre en automobile pour le ramener chez lui. Ma mère est morte à l’hôpital et mon père à son domicile mais dans sa demi-inconscience l’oubliait et réclamait son retour “à la maison”. Ce petit deux-pièces, dont j’avais dessiné les plans à leur intention de longues années auparavant, qui était calqué sur la vie de mes parents, m’est échu en héritage. Je devais le louer aussitôt. Mais en allant le visiter avec le peintre chargé de le remettre à neuf, ayant longuement regardé les meubles de béton, la façon dont le lieu était organisé et rythmé, j’ai senti que l’endroit était trop personnalisé, collait trop à ses anciens occupants pour être attribué au hasard, à des gens étrangers à leur esprit d’habiter. Il aurait fallu tout détruire et rendre d’abord l’anonymat au lieu pour qu’il admette l’étranger ; celui-ci recréant à son tour son propre lieu. Je l’ai donc gardé tel quel, pour en faire mon bureau personnel.

Claude Parent “Architecte” Coll. Un homme et son métier, Ed. Robert Laffont 1975.

a) Résumez ce texte en 180 mots en respectant l’équilibre du texte, ses paragraphes et ses articulations. Indiquez le nombre de mots employés (± 10 %)

b) Expliquez:

– “mettre en liturgie le geste quotidien”

– “ce petit deux-pièces (…) qui était calqué sur la vie de mes parents”.

c) Claude Parent déclarait en 1975 :”Le lieu de vie, le lieu de travail, le lieu où se déroule l’activité humaine, redevient sacré.” S’agit-il selon vous d’un vœu pieux démenti par les faits ou d’une utopie féconde ?

ou

c) En vous appuyant sur des exemples précis vous direz à quelles conditions “le logement ne deviendra pas un bien de consommation”

Pour une architecture personnalisée, corrigé sgdg

a) (texte de Claude Parent, 180 mots pour 88 lignes soit 2 mots par ligne. Equilibre des § : 1 15 lignes, 2. 14, 3a : 15, 3 b. 16 ; 4a. 14, 4b. 14)

1. (15 lignes, 30 mots demandés) Les spécialistes ont fait fausse route quand ils ont prédit une banalisation du logement. Celui-ci, au contraire, est vécu comme un lieu fondamental pour lequel l’architecte redevient essentiel. (30 mots obtenus)

2. (14 lignes, 28 mots) J’ai conçu mon activité d’architecte comme une mystique qui exigeait le respect. Et malgré une vie personnelle difficile, j’ai osé transformer l’espace que j’habitais. (29 mots obtenus)

3a. (15 lignes, 30 mots) Encore physiquement, financièrement et psychologiquement très fragile, j’ai bouleversé mon habitat pour l’harmoniser avec mes conceptions. D’où un surcroît de difficultés dans un pari sur l’avenir. (30 mots obtenus)

3b. (16 lignes, 32 mots) Cette architecture m’a aidé à guérir bien qu’elle me soit encore difficile à vivre. Ses pentes obliques, malgré des erreurs techniques, m’obligent à penser l’espace dans sa profondeur. (32 mots obtenus)

4a (14 lignes, 28 mots) L’expérience de mes parents va dans le même sens. Dsiparus à peu d’années d’intervalle, ils n’ont pu mourir chez eux comme ils y aspiraient. (28 mots obtenus)

4b (14 lignes, 28 mots) J’avais conçu leur logement pour eux. J’ai renoncé à le louer. Son organisation ne convenait qu’à mes parents. De nouveaux occupants auraient manifesté leurs propres exigences. (29 mots obtenus)

Total : 178 mots

b) – “mettre en liturgie le geste quotidien” : 1. Le geste quotidien est une métonymie (plutôt une synecdoque !), un indice qui désigne les habitudes. 2. La liturgie est l’ensemble des gestes et des cérémonies indispensables à la célébration d’un culte. 3. Il s’agit ici d’une métaphore essentielle à la pensée de Claude Parent : en réfléchissant sur l’espace au point de le sacraliser l’architecte donne une dignité religieuse aux habitudes de tous les jours.

– “ce petit deux-pièces (…) qui était calqué sur la vie de mes parents”. 1. Au sens propre le calque est le transfert sur un papier transparent d’un plan de masse en architecture ou d’un desssin technique dans d’autres disciplines. 2. Au sens figuré, ce peut être modeler son comportement sur celui d’une autre personne ; c’est le sens du texte : l’appartement était totalement conçu en fonction des habitudes de ses habitants.

c) Claude Parent déclarait en 1975 : “Le lieu de vie, le lieu de travail, le lieu où se déroule l’activité humaine, redevient sacré.” S’agit-il selon vous d’un vœu pieux démenti par les faits ou d’une utopie féconde. ?

Introduction. Problème très important. Rappel de la citation. Rappel de la problématique. Pourquoi sacré ? Il n’existe par de profane, simplement du profané : tout en réalité relève du sacré. Trois niveaux d’analyse : l’architecture d’intérieur, l’architecture courante, l’urbanisme.

1. L’architecture d’intérieur.

1.1 On la domine à peu près au niveau le plus élémentaire : fenêtre, lit, bureau : comment les disposer par rapport à la lumière ? Comment est orientée la pièce ? nord (froid), est (soleil levant, meilleure orientation), ouest (soleil couchant), sud (chaleur).

1.2 Un F2-F3, problème de place, gagner en hauteur, lits superposés, mezzanine démontable en bois… jouer avec les miroirs (approfondissent l’espace), les reproductions de tableaux, de photographies, les cloisons mobiles, les paravents, les meubles, les coussins…

1.3 Un cas limite : les meubles en béton des parents de l’auteur… Réflexion sur la fin du texte : c’est lui qui est contraint de rester dans cet appartement : y est-il à l’aise ?

1.4 S’ouvrir à ces problèmes pour ne pas subir le fait accompli : devenir sensible aux problèmes d’espace, aux besoins réels (attention aux aménagements drôles devenus invivables !). Consulter des livres, des revues d’ameublement.Donc la sensibilisation à l’architecture d’intérieur amorce une réflexion utopique féconde.

2.L’architecture

2.1 4 Français sur 5 voudraient vivre en maison individuelle, rêve souvent illusoire (prix des terrains, équipements, transports), d’où rendre l’appartement vivable : réhabilitation d’ancien dans des centres ville avec respect de l’architecture locale qui avait un sens profond, immeubles présentant des terrasses privatives (de 4 à 16 m2, avec véranda en prolongement du séjour, orientation au nord : jardin d’hiver.

2.2 Quand on construit tirer parti des difficultés du terrain : un terrain difficile, mal orienté, stimule l’imagination. Rythme des pièces ; harmonie logement-occupants, dégagements, couloirs, recoins, maisons rondes, volumes obliques (pentes à 28 %), relations parents-enfants (chambre permettant de sortir sans se faire remarquer…), la lumière, le bruit, les dégagements, la vision verticale (mezzaine) etc…

2.3 Construire : un architecte-bâtisseur n’est pas plus cher qu’un promoteur ; beaucoup de problèmes : financiers, administratifs, de programmation (gros œuvre, second œuvre, finitions), une vision globale du problème : géobiologie (biologie de l’habitat).

2.4 L’habitat collectif, les H.L.M, leur hauteur, leurs rythmes, les espaces verts, la sécurité (gardiens et concierges…), la réhabilitation… L’effet sur le usagers : une mauvaise architecture mal insonorie de surcroît entraînent nervosité, agressivité (le lycée où nous vivons, les grands ensemble des années 60-70)A ce niveau on débouche rapidement sur l’utopie, les décisions politiques, la nécessité des groupes de pression, (associations d’usagers).

3. L’urbanisme

3.1 L’utopie des maisons jetables, les mobil-homes (villes de chantier), une maison s’insère toujours plus ou moins harmonieusement dans un contexte : environnement, espave vert, liaisons avec la ville : problèmes du mitage de l’environnemen, trop de maisons individuelles qui se répandent dans la campagne : transports, enfants, travail, achats, loisirs, problème voiture/transports en commun).

3.2 Administration : exigences esthétiques du permis de construire, le P.O.S et ses contraintes trop souvent contournées : inondations, oubli volontaire de l’expérience des anciens pour favoriser la spéculation immobilière. Rôle des municipalités, leurs conceptions, leur philosophie de la vie (collèges, piscines, zones industrielles, implantation des grandes surfaces… combien, ou et pourquoi ou pour quoi faire ?), conception de la vie collective (quartiers défavorisés à désenclaver… accueil des nomades)

3.3 Nous sommes ici vraiment dans la politique : équilibre des villes et des régions. Rôle du citoyen à travers les associations notamment écologiques. Le rôle de l’écologie politique (et des Verts…) dans la politique des pays développés. Tout ceci coûte cher mais crée du travail : bonne direction pour combattre le chômage à condition que le citoyen accepte de payer plus d’impots (à travers la C.S.G) et qu’il s’occupe enfin de l’emploi de l’argent public (problèmes de corruption mais plus encore de gaspillages)Tout ceci semblait relever de l’utopie. Or depuis quelques années une prise de conscience est en marche.

Conclusion. Pendant très longtemps les perspectives de Claude Parent sont restées des vœux pieux que rien ne semblait confirmer : le fait que l’architecture et l’urbanisme soient rarement évoquées au lycée y était pour quelque chose… Actuellement la sensibilisation est pmlus vive par les médias, les démarches écologiques et l’information qui en résulte. L’utopie est en marche…

ou

c) En vous appuyant sur des exemples précis vous direz à quelles conditions “le logement ne deviendra pas un bien de consommation.”

Introduction. Le logement est toujours un “bien de consommation” mais il peut être personnalisé de telle sorte qu’il échappe à la grande série mais à quelles conditions ?

1. Conditions qui relèvent d’exigences personnelles

11. Ex : Claude Parent, pentes à 28 %, meubles en béton…

12. …

13….

14. Le logement ne devient pas un bien de consommation quand on réfléchit à ses besoins réels, qu’on s’est donné une formation pour y penser et qu’on mène une réflexion collective pour y parvenir

2. Conditions qui relèvent d’une politique de l’urbanisme

21…

22….

23…

24. Le logement ne devient pas un bien de consommation quand le constructeur a su adapter sa production à des besoins très personnalisés, que l’urbaniste a su privilégier les espaces verts et qu’une politique intelligente des P.O.S (plan d’occupation des sols) a été mise en place.

Conclusion aspiration normale mais refoulée. Seule une minorité peut la satisfaire.

Complément :

Architecture, mathématique et sacré

Pour comprendre un livre écrit en anglais, il est nécessaire de savoir l’anglais. Il en est de même pour l’art. je ne parle pas ici d’art d’imagination, mais d’art mathématique et non subjectif. (…) Mais l’art ancien n’avait pas pour objet de plaire. Tous ceux qui le lisaient comprenaient. Maintenant le but de l’art est entièrement oublié.

Prenez l’architecture : parmi les édifices que j’ai vus, en Perse et en Turquie; je me souviens d’un bâtiment de deux pièces. Tous ceux qui entraient dans ces pièces, qu’ils soient jeunes ou vieux, anglais ou persans, pleuraient. Quelle que soit leur formation ou leur culture. Nous avons poursuivi cette expérience pendant deux ou trois semaines et observé les réactions de chacun. Nous avons spécialement choisi des gens gais. Le résuldat était toujours le même.

En raison des combinaisons architecturales propres à ce bâtiment, les vibrations, mathématiquement calculées, ne pouvaient pas produire un autre effet. En nous opèrent certaines lois et nous ne pouvons résister aux influences extérieures. Parce que l’architecte possédait une réelle connaissance suivant laquelle il construisait mathématiquement, le résultat était toujours le même.

(…) Vous entrez dans un monastère. Vous n’êtes peut-être pas un homme religieux, mais ce qui est joué et chanté là suscite en vous le désir de prier. Plus tard, vous en serez vous-même surpris. Et c’est ainsi pour tout le monde.

L’art objectif est fondé sur des lois.,.

Georges-Ivanovitch Gurdjieff 1877 – 1949

(Texte extrait de « Gurdjieff parle à ses élèves« , G.I Gurdjieff, éditions du rocher, 1985. Maître spirituel ésotérique très controversé, voir ses “Rencontres avec des hommes remarquables” et Ouspensky “Fragments d’un enseignement inconnu”, exposé de sa doctrine.)

Roger

Lycée Bourdelle

(16.000 caractères)

Mots-clés

Laisser un commentaire ?